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14/08/13

Orezza - Lode à San Bàrtuli

01. Diu ti salvi San Bàrtuli, versione corta 02. Diu ti salvi San Bàrtuli, sana sana
Lapôtre martyr Saint Barthélémy est célébré chaque 24 août dans une chapelle perchée sur une crête située sur le territoire de a Munacìa dOrezza, et dominant la mer au levant et la Castagniccia au couchant.

A cette occasion, une foule toujours nombreuse monte, à pied comme à cheval, de toutes les pièves voisines dOrezza, Ampugnani, Tavagna, Alisgiani et Muriani pour y passer une journée de joie et de chant, pour y assister à la messe et à la courte procession où lon porte le saint, le priant de garder sous sa protection lensemble de ces pièves et leurs habitants. La messe est chantée en polyphonie traditionnelle – les chanteurs ne manquent pas dans ces régions – et lors de la procession on chante Dio vi salvi Regina.

Peut-être manquait-il un chant processionnel spécifique à cet événement. Ainsi avons-nous souhaité créer une laude à Saint Barthélémy, mais plus encore à San Bàrtuli dOrezza, qui soit facilement chantable en polyphonie et assimilable à celles issues de notre tradition populaire. Nous espérons quelle soit adoptée naturellement par la petite communauté de San Bàrtuli comme faisant partie de son patrimoine ...



Notes : 
  • Nous avons souhaité que le texte sinscrive totalement dans la lignée des laudes du 17-19ème siècles si nombreuses dans notre patrimoine sacré, et dont celle la plus unanimement connue reste Dio vi salvi Regina. Identique dans sa forme, le texte est composé de strophes de 4 vers ayant pour nombre de pieds 7-7-7-5 et obéissant aux rimes A-B-B-C puis C-D-D-E, etc ...
  • Pour le contenu, il s’agit d’une évocation des épisodes les plus marquants de la vie religieuse du saint, écrite dans un style un peu naïf et un vocabulaire simple et dans un but volontairement pédagogique : San Bàrtuli est l’un des douze apôtres de Jésus. Juif de Galilée, il attend à l’ombre d’un figuier la venue du Messie.

    Son ami Filippu lui fait rencontrer Jésus, qui lui dit aussitôt : « Voici en vérité un Israélite dans lequel il n’y a pas de fraude ». Ainsi devient-il un des plus fervents disciples, disant : « Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël. »

    Plus tard, selon la tradition, il évangélisera l’Inde et l’Arménie mais sera dépecé et décapité par les prêtres païens avides de représailles. Puis le saint est invoqué dans le contexte géographique local par une louange et une prière pour les quatre pièves environnantes.

    Dans la dernière strophe, on en appelle au Père et au Fils demeurant au paradis, et pour conclure, à notre Mère universelle.   

Le patrimoine paraliturgique corse :
Popularisés auprès des communautés villageoises par les différents ordres franciscains pendant plusieurs siècles, un grand nombre de chants en langue toscane constituent le répertoire para-liturgique corse. Couvrant tout le calendrier liturgique, ils coïncident fortement avec les cultes promulgués à partir du concile de Trente. Les laudes traitent notamment des temps de Noël et de Pâques, du Saint-Sacrement, des célébrations mariales ainsi que celles des saints patrons.

Cest grâce aux éditions successives de recueils comme « a Lira sacra » (Cesare Fabiani, Bastia 1879) ou « Tipografia dellImmacolata » (Levanto 1915) que ce répertoire sest maintenu très vivace dans lensemble de la Corse jusquà laube de la seconde guerre mondiale. Parmi les chants les plus connus, on peut citer Dio vi salvi Regina, Perdono mio Dio, Venite adoriamo, Tu scendi dalle stelle, Adeste Fideles, Via Crucis di San Leonardo da Porto Maurizio, Via Crucis di Metastatio, bref la plupart des hymnes qui identifient la Corse à sa foi chrétienne.

Mais finalement, ce patrimoine reste bien peu usité aujourd’hui, de par la pratique religieuse globalement en perte de vitesse, mais également par son rapide remplacement par une liturgie processionnelle en français à partir de l’après-guerre. Sans doute les officiants considérèrent que l’italien n’avait plus lieu d’être dans cette Corse désormais « francophone » ... Cette acte d’acculturation relève pour nous d’une grande méconnaissance de l’histoire et de l’environnement culturel de la Corse où la langue italienne s’avère être une constituante majeure de sa culture insulaire. On sait en effet que le corse, occupant l’espace de l’oralité, a pendant des siècles coexisté avec le toscan littéraire écrit – plus tard langue italienne – , sans conflit ni phénomène de glottophagie. Comme l’écrit l’Abbé François-Joseph Casta en 1978 :
« Ce serait une illusion mortelle que de vouloir faire de la culture corse, comme du reste de toute culture particulière, un ornement facultatif dont lhomme disposerait à volonté, et dont le croyant pourrait saffranchir par simple décision supérieure, pour endosser la culture dominante du moment. »

Nous considérons ce patrimoine liturgique en langue toscane comme nôtre à part entière. Cest avant tout par celui-ci qua été maintenue et nourrie la flamme de la foi chrétienne à partir du bouillonnement intense de la piété populaire dans nos cités et villages.
Évoquant le souvenir du temps de Pâques, Pasquale Marchetti écrit :
« Les accents si typiques, qui toujours nous émeuvent, ces mots portés des siècles durant, de génération en génération, par la bouche des hommes et des femmes à qui nous devons notre terre et notre être, nest-ce pas cela aussi - cela surtout - une claire expression de "notre langue et notre culture" ? »

Ainsi, en tant quacteurs sur le terrain (confrères, chantres, ...), il convient à notre sens de prendre enfin la pleine mesure de la richesse de ce patrimoine et de le raviver le plus possible aujourdhui, tant son emploi est familier à tout corsophone, tant son langage touche la corde sensible de notre foi méditerranéenne et insulaire, tant sa force a suscité et peut encore susciter la croyance et la foi.

Ce patrimoine peut même constituer le socle d’une création en langue corse, abondante pourquoi pas, mais en veillant à ce qu’elle s’inscrive dans une continuité et un respect de la forme et de l’esprit de ces laudes des temps passés. Cette tâche incombe selon nous aux confréries avant tout. Ainsi tentera-t-on, par le biais culturel, de susciter à nouveau l’intérêt du plus grand nombre de fidèles à ces cérémonies tant qu’il en est encore temps ...

Cest ce que nous nous efforçons de faire ici, tout comme d’autres lont fait bien avant nous. Saluons notamment limportant travail réalisé par Petru Casatici de la confrérie San Ghjuvanni Battista dAiacciu.


A festa di San Bàrtuli :
Le maintien de la fête de San Bàrtuli dOrezza doit beaucoup à la présence de la famille de bergers Grisanti qui occupent les lieux dès les beaux jours avec leur troupeau, et contribuent ainsi grandement à lentretien du lieu et de la bâtisse, tout en étant partie prenante de lorganisation de la fête.



De mémoire dhomme, la fête attirait toujours dans les années 1960 une foule importante, entièrement constituée des gens de la région, gardant encore une dimension artisanale et pastorale. On pouvait y acheter des pipes dOrezza ou y jouer à la roulette. On y dansait aussi aux notes de Ghjuvancamellu Pasquali, joueur durganettu (accordéon diatonique), paghjellaghju et improvisateur de lAlzi di San Damianu. On y chantait aussi beaucoup la paghjella

Les années 1980 marquèrent une chute assez importante de la fréquentation puis vint un regain d’intérêt dans les années 1990 jusquà nos jours.

Par cette minuscule pierre portée à lédifice, nous espérons contribuer un peu à sa continuité pour les temps à venir.
 

  



   

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